Le(s) temps des ruralités – épisode 2
Les 14 et 15 octobre prochain, se dérouleront à Cluny, les #temporelles2025, co-organisées avec l’AMRF, l’AMR71, et la Région Bourgogne-Franche-Comté, sur le thème “le(s) temps des ruralités”. A cette occasion, nous vous proposons une série d’articles en lien avec les thématiques qui seront traitées lors de ces 2 journées en poursuivant avec un sujet majeur qui prend de l’ampleur sur ” la sécurité sociale alimentaire”, décryptage.
Article rédigé par Sherine Berrahal, Sciences-Po Lyon, pour Tempo/AMRF
Alors que les inégalités d’accès à une alimentation de qualité s’accentuent et que les crises écologiques, énergétiques et logistiques fragilisent nos systèmes agroalimentaires mondialisés, l’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) connaît un regain d’attention. Inspirée de la Sécurité sociale de 1945, elle ambitionne de faire de l’alimentation un droit universel, garanti par un système solidaire, financé par la cotisation, et géré de manière démocratique. Portée par des collectifs citoyens, des chercheurs, des paysans et des syndicats, cette proposition fait souvent l’objet de critiques sur sa supposée utopie. L’expression laisse entendre qu’elle serait irréaliste et marginale. Pourtant, la SSA pourrait bien constituer une réponse politique crédible à des défis systémiques profonds, dans lesquels les territoires ruraux jouent un rôle central, mais non exclusif.
Si la SSA n’est pas exclusivement rurale, les territoires ruraux y jouent un rôle clé.
Ils disposent des ressources foncières, des savoirs agricoles et d’une expérience concrète de la relocalisation de la production. Dans un contexte de fragilité croissante des chaînes logistiques (crise énergétique, raréfaction du diesel, déclin du fret routier), les analyses récentes comme celle d’Émilien Bournigal soulignent que l’échelle départementale, historiquement pensée comme praticable à cheval en une journée, redevient pertinente pour organiser une résilience alimentaire. Les territoires ruraux doivent donc non seulement produire pour leurs habitants, mais aussi pour des populations urbaines en quête d’une alimentation plus juste et plus saine.
Une proposition née des marges, mais ancrée dans les réalités
La Sécurité sociale de l’alimentation trouve ses origines dans des initiatives citoyennes locales, souvent en milieu rural ou périurbain . Ces pratiques préfigurent une autre manière d’organiser l’accès à l’alimentation par la solidarité et la délibération collective, plutôt que par la seule loi du marché. C’est pourquoi on pourrait croire qu’elle relève d’une forme d’utopie rurale, portée par des territoires militants et alternatifs.
Pourtant, ces initiatives ne sont pas déconnectées du réel. Elles répondent à des besoins urgents à savoir, la précarité alimentaire croissante qui concerne près de 8 millions de personnes en France, la pollution agricole, la dépendance au pétrole pour les transports alimentaires, ou encore la crise du métier d’agriculteur. Ce sont souvent les ruralités périphériques qui en font l’expérience en premier, à la fois comme zones de production et comme territoires fragilisés. La SSA naît donc des marges, mais pas de l’imaginaire.
Une utopie mobilisatrice face à la crise systémique du système alimentaire
Qualifier la SSA d’utopie n’est pas forcément un reproche. L’utopie, au sens politique, est une projection mobilisatrice : elle désigne un horizon désirable, capable de structurer une action collective. Or, dans un contexte de délégitimation des politiques agricoles, d’inflation alimentaire et de désastre écologique, repenser collectivement notre modèle alimentaire devient une urgence démocratique.
À ce titre, la SSA concerne tout le monde, urbains comme ruraux, et s’inscrit dans une volonté de repolitiser les choix alimentaires. Ce n’est pas un retour à une agriculture paysanne idéalisée, mais une réponse structurée à une situation systémique.
Une politique de justice sociale et écologique
Enfin, la SSA c’est faire de l’alimentation un droit, comme l’est devenu l’accès aux soins. Cela suppose de rompre avec une logique de charité (banques alimentaires, aides ponctuelles) pour bâtir une politique structurelle de justice sociale. Cela passe aussi par une revalorisation du travail agricole, en garantissant des débouchés stables aux producteurs engagés dans des pratiques durables.
Bibliographie:
Auteur non précisé. « À quelle échelle travailler la résilience alimentaire ? », Loire‑Atlantique Résilience Alimentaire (site web), 13 décembre 2024
-Clément Coulet “Une de plus. Les expérimentations locales inspirées par la Sécurité sociale de l’alimentation se multiplient !” LinkedIn (publication personnelle), sur les campus bordelais
-Cibert, Cyril. « La campagne mérite mieux qu’un regard condescendant » LinkedIn, 1 mois (juin 2025)