
Marina Lafay, Présidente Tempo Territorial
l’édito du 8 mars
En période de crise gare au recul des droits avait averti Simone de Beauvoir.
Attention au retour de bâton, le « backlash », terme que l’on doit à l’américaine Susan Faludi pour désigner les formes de recul réactionnaire qui visent à empêcher, ralentir, freiner le droit des femmes.
Les reculs ou stagnation des droits sont aujourd’hui trop nombreux dans le monde, que ce soit sur le droit à disposer de son corps, le droit d’étudier, de jouir de l’espace public, de travailler… Pensons notamment à cette lutte au péril de leurs vies que mènent les femmes en Iran autour du slogan « femme, vie, liberté », ou pire encore l’épouvantable condition des femmes en Afghanistan. Certes, en certains endroits du globe des progrès sont faits mais des reculs (parfois très nets et virulents, en Iran et ailleurs) apparaissent. Et trop de problématiques persistent sans nette amélioration au fil des décennies.
Il y a déjà une trentaine d’années que les politiques temporelles sont nées en Italie à l’initiative des femmes en souffrance de double ou triple journée, prises en étau dans des plannings chargés au détriment de leur équilibre et même santé. Où en est-on aujourd’hui ? Le problème reste ici éminemment d’actualité en Europe.
Le partage des tâches ménagères a certes progressé mais le « il suffira d’une crise…», point de bascule, est parfois le « il suffira d’un autre enfant », il suffira « d’un divorce », “d’une crise coronavirus”… pour que la charge parentale ou celles des tâches ménagères reposent à nouveau plus sur la mère, la femme. Le partage des tâches ménagères en France ne progresse pas ou très très lentement selon l’observatoire des inégalités et les travaux de l’Ined. Et les enquêtes notent que les tâches les plus agréables ou valorisées sont celles plus plébiscitées par les hommes. Nettoyer la poubelle versus lire une histoire à son enfant… Et encore faudrait-il bien mesurer le temps que l’on y passe, ce que toutes les études ou sondages ne font pas.
La prochaine enquête emploi du temps de l’Insee nous le dira et nous plaidons pour que ces enquêtes soient plus fréquentes. A minima une par dizaine d’années. La précédente date de 2010 et les résultats de la prochaine seront connus en 2028.
Défendons ainsi la recherche qualitative et quantitative en sciences humaines et sociales pour que tous les travaux intègrent bien un axe genre comparatif homme / femmes et des clefs de compréhension. Pour donner des outils sérieux au militants et au politique qui luttent contre les inégalités, dont celles de genre.
C’est pourquoi j’ai une pensée toute particulière pour les chercheurs et chercheuses aux États Unis qui subissent le coup de bâton réactionnaire de Trump nouvellement réélu. Alors que son investiture est encore fraiche, les menaces sur la recherche sont là, avec notamment désormais une impossibilité de faire apparaître des termes dans les titres ou résumés tels que ceux de « genre», « femme »… On peine à l’imaginer, mais nous ne sommes pas en hallucinations.
« Stand up for science » scandent les chercheurs américains et leurs collègues français en solidarité. Nous le disons de concert et ce d’autant plus qu’à Tempo Territorial nous sommes dans une phase de renforcement de la place des chercheurs.ses en notre sein.
Alors pour terminer le propos utilisons les termes bannis aux US :
– militons pour le plein exercice des droits des FEMMES et des FILLES
– rendons hommage aux “gender studies”, notamment américaines qui sont extrêmement reconnues. Tout en militant pour une pleine reconnaissance des “Times studies” qui sont des approches qui se doivent, bien entendu, d’avoir la possibilité d’intégrer le genre au même titre que toute autre variable.