Vie nocturne

Quelques brèves autour du renouveau de la nuit : Grenoble, Lyon et quelques autres ..

Dijon la nuit

Le thème de la nuit fut au cœur des débats des politiques temporelles dès les années 2000. Porté en particulier par Luc Gwiazdzinski, expert du sujet, celui-ci proposait des balades-découvertes-traversées de la nuit à de nombreuses villes, histoire de pouvoir observer la nuit sous un angle nouveau et adapter mieux les services aux usages. Il abordait cette question dès 2005, dans son ouvrage « La nuit : dernière frontière de la ville », ainsi qu’il l’explique dans cet article plus récent paru dans traxmag : la nuit comme objet d’étude .

C’est ainsi qu’a Lyon suite à cette traversée nocturne, les navettes Pleine Lune ont vus le jour ; mises en place les nuits des jeudis, vendredis, samedis, entre 1h et 5 h du matin. Essentiellement destinées à relier les campus au centre-ville et ainsi sécuriser les déplacements nocturnes, elles furent rapidement utilisées par des salariés de la nuit.

Dans de nombreuses communes de France, l’activité nocturne est confrontée à des conflits résultant des différents usages de la nuit : se reposer, se divertir et travailler. Il existe, en général, peu de services publics la nuit ; ce sont les établissements privés qui gèrent la majorité des évènements nocturnes (bars, restaurants, discothèques…) et les transports, sauf dans quelques grosses agglomérations, sont souvent réduits à leur minimum d’activité. Face à cet impensé des politiques publiques et à l’augmentation des usages diversifiés de la nuit, les villes sont confrontées à une augmentation des conflits entre les riverains et ceux qui font la fête. Les politiques doivent dès lors prendre en compte ces problématiques afin de trouver un point d’équilibre entre les différents usages et usagers de la nuit. Citons le tourisme et l’économie de la nuit. En effet, les débits de boissons, les restaurants et certains établissements culturels fonctionnant principalement la nuit existent grâce aux usagers nocturnes. Certains exécutifs locaux ont pris la décision de mettre en place des politiques publiques relatives à la vie nocturne.

Aujourd’hui les chartes de la nuit reviennent en force. La pionnière en cette matière fut la ville de Lille qui signe dès 2003 une charte relative à la nuit. La ville de Lyon suivra en 2006, puis Rennes en 2009 et enfin Strasbourg en 2010. Toutes ces chartes ont pour objectifs de préserver un usage apaisé des espaces urbains durant la nuit, ainsi que de développer l’offre culturel et l’attractivité de la ville afin d’attirer de nouveaux touristes. Elles constituent donc une politique transversale qui doit prendre en compte les différents enjeux liés à la nuit, comme la santé publique, la tranquillité des riverains, les transports privés ou en communs, l’environnement, la salubrité publique, le maintien de l’ordre, etc.

Les signataires des chartes sont les différents acteurs concernés par les questions relatives à la nuit, ce qui implique une transversalité politique. Ainsi, ce sont les représentants des services municipaux, les acteurs de la sécurité (préfecture, police Nationale), les chefs d’établissements ou leurs représentants syndicaux, des bénévoles associatifs (Rennes). Les différents acteurs (dont les principaux sont les dirigeants d’établissements) adhèrent librement à cette charte et donc à ses principes. Pour information, à Lyon l’adhésion se fait tous les ans pour les établissements de la vie nocturne. Ces Chartes ne sont pas contraignantes, en ce sens où tout non-respect de la législation peut faire l’objet d’une condamnation juridique ou administrative indépendamment de l’adhésion ou non et ce, de manière équivalente.

Afin de veiller au suivi des chartes, les villes ont mis en place des Conseils de la nuit qui sont composés des acteurs du monde de la nuit, de représentants politique et technique des services de la ville, ainsi que des riverains. Les riverains sont regroupés dans des « Comités Noctambules » (Rennes, Paris) ou directement intégrés au Conseil de la nuit (Lyon, Rennes).

L’actualité du moment zoome sur l’exemple de la ville de Grenoble et Lyon.

A Grenoble, ce sont 108 propositions qui, en mars, ont été présentées par la ville pour mieux cohabiter la nuit ; ceci préfigurant le futur plan « Grenoble la nuit ». Alors que les villes sont majoritairement pensées pour le jour, le travail préalable à ses 108 propositions à consister à dresser un vrai état des lieux des pratiques et des constats nocturnes, en interrogeant 250 personnes.

Plusieurs phases sont prévues, des thématiques identifiées : Accéder aux soins et cadre de vie la nuit, Profiter des activités culturelles, sportives et commerciales la nuit, Déplacements et sécurité la nuit, Habiter dans un quartier populaire la nuit, Égalité et solidarité la nuit, Le sens de la fête la nuit. Les premiers résultats concrets devraient voir le jour fin 2022 à découvrir dans le rapport complet :  https://www.grenoble.fr/2538-grenoble-la-nuit.htm

A Lyon, une charte fut élaborée dès 2006. Pour marquer les 10 ans de la charte, en 2016, la Ville de Lyon avait conçu une signalétique spécifique arborant la chouette, symbole de la charte de la vie nocturne ; un “label qualité” lyonnais ainsi reconnu par les professionnels et bien identifiable par le grand public. En 2019, près de 220 établissements se sont engagés et ont ainsi bénéficié des avantages de cette charte.  En savoir plus sur le site de la ville.

Cette année, à Lyon, la charte de la vie nocturne est de nouveau signée afin de redonner souffle à la vie lyonnaise après 2 ans de crise. Cette fois-ci, cette charte s’inscrit dans un cadre plus large qui est celui du Conseil lyonnais de la nuit, avec la création d’un observatoire de la tranquillité, une sensibilisation aux comportements à risque ou encore la refonte de la réglementation des terrasses. Cette chartre intègre aujourd’hui des maires de nuit comme relais locaux à l’échelle de chaque arrondissement.

Quant à Paris, la ville a réussi, sans Charte de la nuit, à mettre en place des actions. Ainsi, le Conseil de la nuit à un budget spécifique (1,4 million d’euros). Grâce à celui-ci, entre 13 et 16 parcs et jardins sont ouverts la nuit en période estivale, 50 équipements sportifs restent ouverts jusqu’à minuit. Un conseiller de Paris s’occupe de ces questions depuis 2014 (devenu un adjoint en 2017). Et bien sûr, toujours et encore « les nuits blanches » qui aura lieu la nuit du 1er au 2 octobre 2022.

Les villes portant un regard sur la politique durant la nuit ont confié à un élu (généralement un adjoint au maire) la gestion des politiques publiques relatives à la vie nocturne. Cela montre la volonté des villes de prendre en considération le fait que la politique ne s’arrête pas la nuit.

Les territoires de nuit : gérer la lumière, penser l’obscurité – Un dossier de l’Agence d’urbanisme de Lyon 

Depuis 1989, les différents Plans lumière de Lyon ont révélé la ville la nuit. Aujourd’hui, la lumière s’ouvre à de nouveaux enjeux (préservation du paysage nocturne, lutte contre la pollution lumineuse, respect de la biodiversité, …) qui doivent s’intégrer dans une stratégie nocturne partagée avec les habitants et les acteurs des territoires.

Lire le dossier dans son intégralité

La collaboration entre les différentes entités existantes, concernées par la nuit permet de penser les politiques publiques de manière plus transversale d’une part, et de manière plus complète d’autre part car les différentes visions y sont représentées. Que ce soit avec les services techniques des villes, les élus politiques, les professionnels de la nuit, les riverains, les fêtards, les associations, etc. Cette collaboration permet de penser le problème de manière globale et ainsi faire naitre une réflexion collective pouvant déboucher sur un nouveau pacte de collaboration collective.