Travail et temps sociaux
Les mutations des structures du temps de travail (flexibilité, irrégularité, fragmentation, non prédictibilité, rétivité à la mesure) ont mis sur l’agenda européen et des différents états membres, mais également de façon pressante au sein de l’ensemble des organisations de travail, publiques ou privées, la question de l’articulation entre temps de travail et temps hors travail : en effet, la façon dont est organisé, régulé le temps de travail non seulement a des répercussions au regard de ce temps lui-même ainsi que sur les temps qui lui sont directement liés (temps de transport par exemple), mais également sur la façon dont est organisé et vécu le temps hors-travail (par exemple, déréguler l’ouverture des commerces le dimanche a un impact sur l’articulation des temps sociaux des personnes qui sont amenées à travailler ce jour-là).
Au surplus, de nombreux travaux indiquent une difficulté croissante pour tous les individus à articuler leurs différents temps sociaux et à en maîtriser la structure : en cause un sentiment d’accélération (Rosa, 2010) et son caractère aliénant (Rosa, 2012) qui conduit à confronter chacun à la dictature de l’urgence (Finchelstein, 2011 ; Bouton, 2013). Les contraintes temporelles apparaissent de plus en plus prégnantes dans les activités de travail comme dans les activités liées à la vie familiale ou à la vie sociale, elles aussi marquées par un processus d’individuation. L’accès aux services demande, généralement, de se déplacer, de synchroniser son temps avec les horaires d’ouverture des établissements qui en assurent la fourniture. La vie urbaine ou suburbaine provoque l’éloignement de plus en plus important du lieu de travail avec le lieu d’habitation ; le travail, lui-même se décompose souvent en des phases organisées sur plusieurs sites exigeant une multiplication des déplacements… Bref, les enjeux temporels, ceux qui relèvent de l’accessibilité et de la mobilité, sont au cœur du développement économique, social, écologique de nos sociétés postindustrielles.
Les temps vécus, les pratiques de la vie quotidienne se déroulent ainsi au sein de cadres temporels constitués par les systèmes d’horaires dont l’articulation se synthétise en ce que nous appelons l’organisation sociale du temps. C’est l’interaction entre ces temps vécus et cette organisation sociale du temps qui constitue l’enjeu structurant des politiques temporelles locales.