Les Mardi Tempo Mobilité

Nouveaux rythmes de vie et mobilité : retrouvez les présentations du 18 septembre 2018

Dans le cadre du groupe de travail “Temps et mobilité”, Tempo Territorial a organisé le 18 septembre 2018 un Mardi de Tempo sur le thème “Nouveaux rythmes de vie et mobilité”. Voici le résumé des principaux temps forts de ce séminaire

Retrouvez les autres mardis de Tempo organisés dans le cadre du groupe “Temps et mobilité” : Politiques temporelles : mieux gérer les congestions en heure de pointe et le télétravail : un enjeu important pour les territoires, les entreprises, les salariés et la mobilité

Prochain rendez-vous du groupe Temps et mobilité: le 29 janvier : Temps et mobilité en territoires peu denses


Introduction

Katja KRÜGER, présidente de Tempo Territorial, adjointe à la Maire de Rennes

 

Tempo Territorial anime un groupe dédié à la question « temps et mobilités », à l’origine de plusieurs rencontres qui donneront lieu à une production écrite présentée au printemps 2019. Ce Mardi Tempo « Nouveaux rythmes et mobilité » s’inscrit dans ce cadre. Il vise à :

  • passer en revue un certain nombre d’études concernant les mobilités et la façon dont elles peuvent nous renseigner sur les nouveaux rythmes de vie ;
  • découvrir différentes initiatives mises en œuvre dans trois métropoles (Montpellier Méditerranée Métropole, Métropole de Lyon, Métropole européenne de Lille) ;
  • élargir la réflexion dans une dimension prospective.

Il s’agit de saisir dans quelle mesure l’offre de transport peut s’adapter aux nouveaux rythmes de vie et de quelle façon elle peut, à l’inverse, nous renseigner sur l’évolution des modes de vie.

 

 

1 – COMPRENDRE LES NOUVEAUX PHÉNOMÈNES LIANT RYTHMES ET MOBILITÉ

 

Nouveaux rythmes de vie, diversité des usages et des usagers : l’apport des études Keoscopie

Eric CHAREYRON, directeur Prospective, Modes de vie et Mobilité dans les territoires, groupe Keolis

 

Keoscopie est un observatoire de la mobilité lancé par le groupe Keolis afin de suivre les évolutions en matière de mobilité dans les territoires. Il s’appuie sur les nombreuses études et données disponibles, dont la profusion exige certaines précautions. D’une part, il faut savoir précisément ce que l’on vient y chercher, sous peine de passer à côté de quelque chose d’essentiel. D’autre part, on a tendance à voir le dessus de l’iceberg, et non au-dessous, ce qui peut entraîner de mauvais raisonnements et conclusions.

Il faut, pour commencer, délier « mobilité » et « travail ». 47 % des adultes de plus de 25 ans, en France, ne travaillent pas, et les plus de 75 ans sont plus nombreux aujourd’hui que les collégiens et lycéens. Si l’on s’intéresse à la mobilité des citoyens, on doit prendre en compte l’ensemble de la population.

Par ailleurs, la saturation des transports en heures de pointe confère à celles-ci plus de poids qu’elles n’en ont en réalité dans le trafic global. À Dijon, le trafic à la pointe représente 35 % du trafic annuel total. Le terme d’« heures creuses » est donc très relatif. Le terme anglais off the peak (« hors du pic ») paraît plus adapté. Quand une collectivité supprime des trajets en journée pour réaliser des économies, elle sous-estime cette fréquentation hors-pointes, qui correspond à des usages peut-être difficiles à cerner, mais loin d’être marginaux.

Une autre erreur est de considérer les mobilités comme de simples « flux ». En effet, stabilité des trafics ne veut pas dire stabilité des personnes. Si les chiffres de fréquentation des transports publics à la pointe sont sensiblement identiques du lundi au vendredi, les usagers changent en partie d’un jour sur l’autre. À Lyon, 18 000 abonnés sur les 50 000 ayant pris le métro le lundi ne l’emprunteront pas le mardi, mais seront « compensés » par un nombre à peu près équivalent de voyageurs absents la veille. Ce phénomène se reproduit chaque jour de la semaine.

De même, si le nombre de passagers est identique à la pointe du matin et celle du soir, il ne s’agit pas nécessairement des mêmes personnes. La proportion d’usagers empruntant les transports uniquement aux deux pointes est minoritaire (38 % à Lyon), tandis que les autres ont des comportements très diffus : pointe du matin ou pointe du soir, trajets tôt le matin ou tard le soir, en cours de journée, etc. Les sorties du travail sont également marquées par l’irrégularité des horaires d’un jour sur l’autre, et cela dans de nombreux métiers ou branches (femme de ménage, personnel hospitalier, caissier…). Cette irrégularité est aussi la marque des nouveaux métiers (startuper…). Les semainiers d’activités révèlent enfin que la mobilité des adultes n’est pas axée autour de motifs exprimant une grande régularité.

Les usages s’avèrent donc moins réguliers qu’on ne l’a longtemps pensé. Cela invite à manipuler avec précaution les enquêtes origine-destination réalisées sur une journée, l’idée de « jour-type » étant par nature trompeuse. Or, on se base sur ce type d’enquête pour organiser les transports.

Cette désynchronisation temporelle s’accompagne d’une désynchronisation spatiale (on se rend à tel endroit tel jour ou à tel rythme en fonction de ses impératifs), mais également d’une désynchronisation sociale. Lors des départs en vacances, les habitants des quartiers populaires recourent davantage aux transports publics, faute de pouvoir acquérir une voiture. Mais la lecture doit là encore être affinée. Dans les métropoles, un nombre grandissant d’usagers, en particulier des jeunes de milieux plutôt favorisés, se passe volontairement de voiture. La désynchronisation se manifeste enfin dans la mobilité entre territoires. Dans toutes les villes étudiées, on dénombre chaque semaine un visiteur de passage pour un habitant. Ces mobilités peuvent avoir un motif professionnel ou affinitaire (centre commercial, bar, stade…). Autre constat inattendu : les mobilités entre une grande ville et une ville voisine plus petite sont équivalentes dans les deux sens. Quand 800 habitants de Vitré vont vers Rennes, 800 autres cheminent dans l’autre sens.

Ces analyses mettent en évidence un hiatus entre les politiques régionales de transports (trajets, abonnements), généralement conçues autour et pour des utilisateurs réguliers, et la réalité beaucoup plus éclatée des usages. La solution ne réside pas dans la massification des transports : celle-ci ne répond pas à l’émiettement des usages. L’enjeu est de parvenir à construire un bouquet de mobilités à même de satisfaire les besoins très diversifiés des actifs, étudiants, seniors, etc. Les collectivités doivent imaginer des solutions nouvelles : créer des connexions entre les différents moyens de transport collectifs (train, métro, tram, bus) et individuels (deux et quatre roues, marche à pied), déployer l’outil numérique, inciter à modifier ses horaires, etc.

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Évolution des rythmes de vie et offre de mobilité : analyse à l’échelle d’une métropole

Chrystelle AMBLARD, mission Temps et Territoires, Montpellier Méditerranée Métropole

 

À partir des enquêtes à sa disposition, la métropole de Montpellier a réalisé un certain nombre de travaux visant à cerner les usages des habitants et à redéfinir son offre de mobilité.

Dans l’aire métropolitaine, la courbe des motifs temporels révèle une activité continue, avec un tassement relatif des heures de pointe et un étalement de plus en plus important – sauf dans le périurbain, où les déplacements pendulaires sont plus marqués. Loisirs et achats représentent 39 % des déplacements effectués en semaine, et 48 % des activités entre deux déplacements dure moins d’une heure. Limiter l’usage de la voiture impliquerait donc une bonne fréquence de transports.

Les grandes phases de l’existence continuent de structurer les mobilités. Le public scolaire pèse fortement sur les transports, très majoritairement pour l’école, plus faiblement pour les loisirs. Les étudiants et les actifs ont des motifs beaucoup plus diversifiés. Chez les seniors enfin prédominent les motifs « achats » et « loisirs ». Les modes de transport varient selon les profils. Une quasi-corrélation peut être établie entre le taux d’abonnement au réseau urbain et son utilisation quotidienne (20 % de la population). Des solutions restent à trouver pour les usages et usagers plus ponctuels, telles que des formules d’abonnement complémentaires.

Si l’on regarde les actifs occupés, on relève qu’ils plébiscitent les modes individuels motorisés, en particulier la voiture, qu’ils combinent plusieurs activités, et que 52 % rentrent directement chez eux en quittant le travail. 35 % d’entre eux partent au travail et 38 % en reviennent hors heures de pointe. Les capter davantage dans le réseau urbain implique notamment une bonne fréquence des transports tout au long de la journée.

S’agissant des scolaires dans le périurbain, les collégiens ont dans 84 % des cas deux entrées le matin (trois au maximum), et les lycéens deux (65 %), trois (25 %) ou quatre entrées (10 %). Au regard de cela deux bus scolaires circulent le matin, avec des effectifs importants lors de la première entrée et peu d’effectifs lors des autres entrées. L’après-midi et le soir (hors mercredi), le nombre de sorties se multiplie : jusqu’à 5 au collège et 9 en lycée. Les collégiens peuvent en général compter sur deux bus scolaires, et les lycéens sur trois. L’offre de transport peine à s’adapter à ces besoins trop éclatés. Il serait intéressant d’inciter les collèges et les lycées à étaler leurs horaires le matin, limiter le nombre d’entrées et sorties pour correspondre à l’offre de transport scolaire, et mieux répartir les flux.

Les étudiants ont quant à eux des besoins spécifiques liés notamment à des mobilités nocturnes plus marquées. Privilégiant les transports urbains (36 %), ils peuvent compter sur les tramways et navettes, mais se heurtent à des bus s’arrêtant trop tôt. Ils attendent principalement des offres multimodales, ainsi qu’une fréquence de transport et une amplitude horaire plus importantes.

Quant aux seniors, ils se déplacent surtout en journée, principalement hors heures de pointe, mais utilisent peu les transports urbains, au profit de modes plus individuels (voiture, marche). Les attirer dans les transports requiert une offre adaptée à leurs éventuelles difficultés physiques, et des informations aisément accessibles, une minorité d’entre eux étant équipée de smartphone.

Les enquêtes mobilités pourraient fournir des informations complémentaires utiles sur les rythmes de vie, afin de mieux penser l’offre de mobilité. Les enquêtes qualitatives en particulier sont tout à fait précieuses pour comprendre certains phénomènes, pour peu que les échantillons soient bien choisis et représentatifs de la population dans sa diversité.

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2 – ADAPTER L’OFFRE AUX NOUVEAUX RYTHMES DE VIE ? RETOURS D’EXPÉRIENCES

 

Métropole de Lyon : un bouquet de services de mobilité pour s’adapter aux usages

Lucie VERCHÈRE, mission Temps et Services innovants de la Métropole de Lyon

 

La multiplication des temps complexes et paradoxaux crée une multiplicité d’attentes, générant un décalage entre l’offre de mobilité et les besoins. L’enjeu est également d’amener à un abandon progressif de la voiture en évitant les discours stigmatisants.

De telles évolutions sont lourdes et complexes. Faire évoluer les comportements implique pour la collectivité de changer son regard, ainsi qu’un effort d’explication auprès des partenaires concernés (services des Déplacements, de la Voirie, autorités organisatrice de transports (AOT), entreprises…).

Depuis 15 ans, la mission Temps et Services innovants se sert des diagnostics sur les usages et mobilités des salariés pour créer un bouquet de services de mobilité multimodaux adaptés aux modes de vie des salariés et dans lesquels ils puissent « piocher ». La Métropole mise en particulier sur un management de la mobilité avec et pour les entreprises. Sa démarche repose sur un marketing de proximité qui mobilise les entreprises, les AOT, mais aussi l’Ademe et la Région en tant que financeurs.

La Métropole a mis à profit les 12 développeurs économiques présents sur son territoire pour mettre autour de la table l’ensemble des acteurs concernés, puis élaborer un plan d’actions multimodales. De plus, des animateurs mobilité (portés par une association d’entreprises ou la Chambre de commerce et d’industrie) ont été mis en place avec pour mission, en lien avec le référent désigné par chaque entreprise partie prenante, d’informer sur les solutions et alternatives existantes (modes doux, covoiturage, autopartage, transports en commun, crèche en gare, etc.). Ils proposent également à des « testeurs » d’expérimenter de nouveaux services de mobilité.

C’est dans ce cadre que la Métropole a créé en 2009 un portail de covoiturage domicile-travail, qui totalise 27 000 inscrits. Pionnière dans ce domaine, elle accueillera le 9 novembre prochain les Assises du covoiturage (www.assisescovoiturage.com). Elle teste actuellement, avec le soutien de l’Ademe, des solutions de mobilité (carrousels, vélos en libre service, don de vélos recyclés…) pour gérer le dernier kilomètre entre le terminus du tram et les entreprises. Pour réaliser ces expérimentations, la Métropole répond à des appels à projets européens ou nationaux.

Chaque solution mise en œuvre permet de convaincre de nouvelles personnes. Le bouquet de services a généré un véritable éclatement des habitudes en matière de mobilité : entre voiture, bus, covoiturage, Vélo’v, etc., les journées se suivent sans se ressembler – même si les EMD, réalisées sur de courtes périodes, n’ont pas encore saisi cette évolution.

La Métropole de Lyon mène une réflexion prospective pour identifier de nouvelles pistes. Par exemple, avec des hubs d’interconnexion, elle veut promouvoir le « temps choisi », par opposition au « temps subi ». Partant du principe que la meilleure mobilité est celle que l’on choisit de ne pas faire, elle souhaite travailler sur de nouveaux services, en lien notamment avec la question du travail (télétravail, co-working, travail nomade, voire semaine de 4 jours).

Après quinze années d’actions, la mission Temps et Services innovants souligne la nécessité d’imposer une version soft de la mobilité. De tels processus, chronophages, exigent de la souplesse et de l’agilité, mais aussi un portage politique fort.

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Écobonus mobilité : agir sur les usages de la mobilité ?

François LESCAUX, chargé de mission Bureau des Temps, Métropole Européenne de Lille

Mathieu CHASSIGNET, Chef de projet Écobonus mobilité, Métropole Européenne de Lille

 

Suite à une expérimentation effectuée en 2016, La MEL et la région Nord-Pas-de-Calais ont imaginé un panier de 17 actions , ayant pour but d’intégrer la dimension temporelle aux habitudes de comportement, pour réduire l’engorgement aux heures de pointe. Parmi elles, le covoiturage inter-entreprises, les mobilités alternatives ou douces, le télétravail total ou partiel, le décalage des horaires ou encore le péage urbain positif (ou péage inversé).

Ce dernier, baptisé Écobonus mobilité, consiste à rémunérer les automobilistes qui, de manière occasionnelle ou plus régulière, renonceraient à utiliser leur voiture aux heures de pointe. Il vise à encourager l’expérimentation d’alternatives (autre moyen de transport, télétravail, circulation en horaires décalés), diminuer la congestion en entrée d’agglomération aux heures de pointe, améliorer la fiabilité des temps de parcours, et in fine entraîner des changements de comportement. Il doit aussi contribuer à la réduction de la pollution et des émissions de GES.

Le péage inversé a été expérimenté aux Pays-Bas à partir de 2006 et déployé à grande échelle depuis 2010. Dans l’agglomération de Rotterdam, équipée en 2014, 12 000 participants évitent chaque jour 5 000 trajets. L’expérience a montré qu’une rémunération sur une période de 6 mois à 1 an amenait un changement durable de comportement chez plus de la moitié des participants.

Adopté par la MEL en 2015, ce projet a bénéficié d’un financement de la Caisse des dépôts pour la réalisation d’une étude d’opportunité et de faisabilité sur les aspects juridiques, réglementaires, techniques, économiques. Après expérimentation, une incitation financière de 2 à 3 euros par trajet évité semble efficace. L’Écobonus cible en particulier les moins de 30 ans et plus de 50 ans, en tant que personnes les moins soumises à des contraintes de déplacements liées notamment à la vie familiale. Une fois identifiés, les usagers réguliers des six axes routiers ciblés seront sollicités pour participer à l’opération. Les participants (6 000 par an) seront dotés d’un boîtier GPS qui permettra de suivre et comptabiliser leurs passages.

Le programme, en partie financé par l’État, devrait être lancé fin 2019 pour une durée de 4-5 ans. Il se déroulera en trois phases d’un an et demi, qui cibleront chacune deux axes routiers. Il a pour ambition une diminution du trafic de 6 % environ en heures de pointe, soit environ 2 500 trajets évités chaque jour. Le prestataire retenu pour sa mise en œuvre effectuera directement le versement des indemnités aux bénéficiaires (4 à 5 millions d’euros sur un budget total de 13,7 millions sur les 4 ans et demi du projet). Un certain nombre de dispositifs ont été imaginés pour prévenir le risque de fraude.

Ce projet pourra être enrichi d’offres complémentaires (covoiturage, vélo à assistance électrique, …). La SNCF sera sollicitée afin d’étudier l’adaptation de son offre d’abonnement à des usages plus ponctuels, et les employeurs afin d’accepter que leurs salariés modifient leurs horaires d’arrivée et/ou départ.

Ce projet pilote intéresse d’autres collectivités françaises. Ayant conscience d’être une « vitrine », la MEL s’attachera à la plus grande transparence sur les résultats obtenus, qu’ils soient positifs ou négatifs.

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3 – ANTICIPER

 

Modes de vies et mobilités désirés : quelles tendances ?

Sylvie LANDRIÈVE, codirectrice du Forum Vies Mobiles

 

Le Forum Vies Mobiles s’intéresse aux mobilités du futur. De nouveaux usages et aspirations apparaissent dans les sociétés occidentales, qui ne sont pas satisfaits. Loin de la perception qu’en ont les experts, les autorités publiques et les transporteurs, les mobilités actuelles ont des répercussions parfois très négatives sur la vie des personnes. Les mobilités doivent être repensées en relation avec les attentes de la population et avec la diversification croissante des modes de vie déjà à l’œuvre.

Le Forum Vies Mobiles a réalisé une enquête qualitative auprès de 12 000 personnes dans 6 pays (Allemagne, Espagne, États-Unis, France, Japon, Turquie) afin de recueillir leurs souhaits en matière de modes de vie et de déplacements. Résultat le plus largement partagé : 8 personnes sur 10 voudraient ralentir. D’après une autre enquête menée en France, « ralentir » signifie avoir du temps pour soi et ses proches, respecter les rythmes naturels, faire une chose à la fois, faire moins de choses et, surtout, maîtriser son temps – c’est-à-dire avoir plus de liberté, de flexibilité, d’autonomie, dans l’organisation du temps.

La place du travail reste centrale dans la société, dans la mesure où, que l’on travaille ou non, il organise tous les autres rythmes et tous les autres temps de la vie. Les personnes aspirent à moins travailler, ou en tout cas à une plus grande flexibilité des rythmes de travail aussi bien dans la semaine que dans l’année. De nouvelles relations au travail apparaissent. Les jeunes actifs n’hésitent pas à abandonner un emploi pour faire une « pause ». Pour les autres, des solutions sont à inventer : le télétravail ne fait pas l’objet d’un souhait massif, et le numérique, s’il évite des déplacements, fait aussi perdre beaucoup de temps.

Il existe un lien organique entre le rythme de vie idéal, l’organisation du territoire et les modes de déplacement quotidien. Face à ces questions, on distingue deux grandes familles de personnes. Une grosse moitié souhaite vivre à moins de 30 minutes de son lieu de travail, mais en maintenant une certaine distance (jusqu’à 30 à 40 km) afin de conserver un sas entre vie privée et vie professionnelle. Une petite moitié aspire à une vie en proximité immédiate avec son travail et ses loisirs, et à pouvoir tout faire à pied ou en vélo.

Un atelier organisé par le Forum Vies Mobiles a permis de rencontrer des personnes ayant choisi des modes de vie très atypiques, ancrés dans leur territoire et permettant de ralentir. De telles initiatives restent cependant individuelles. L’organisation des territoires est telle que penser une véritable politique de ralentissement relève de l’utopie. Est-il logique, par exemple, de permettre aux entreprises de s’installer où bon leur semble ? Il y a un souhait de voir les politiques s’investir sur le sujet.

La question de la proximité croise celle du logement. En France, vivre près de son lieu de travail implique souvent de s’installer en ville, dans une petite surface. Certaines villes, comme Rennes, ont pris le parti de construire davantage de grands logements pour éviter aux habitants de déménager en périphérie. En effet, la périurbanisation a accru les temps de transport, réduisant à néant le temps gagné par la réduction du temps de travail. Une autre évolution vient toutefois compliquer la donne : dans une ville comme Bordeaux, 80 % de l’emploi aujourd’hui est hors de la ville-centre.

La lecture de ces évolutions doit encore être affinée. Le Forum Vies Mobiles s’est saisi d’une enquête longitudinale destinée à observer l’évolution des activités sur 30 ans, en Angleterre, pour mener un projet de recherche sur l’évolution des mobilités. Son ambition serait de pointer une évolution des comportements qui, malgré certaines différences de contexte, pourrait être généralisable.

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